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Avril 1992 MACINTOSH :
UN JEU D'ENFANTS
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L'ordinateur, et surtout le Macintosh, est un formidable outil d'éveil des jeunes d'enfants d'aujourd'hui. De quoi en faire des utilisateurs naturels des environnements virtuels de demain.

Jérémie vient d'avoir 5 ans, et le Macintosh fait partie intégrante de son univers depuis l'âge de 2 ans. C'est en effet à ce moment-là, où l'enfant commence à faire porter avec curiosité avide son regard sur le monde qui l'entoure, que je lui ai placé pour la première fois la souris en main (potelée). Jérémie est loin d'être le seul dans ce cas, et on ne peut manquer de se demander quelles peuvent être les conséquences futures d'une exposition si précoce à l'informatique. Bien sûr, ceux qui en sont restés à une vision plutôt négative des ordinateurs auront tôt fait de s'alarmer : c'est le plus sûr moyen, selon eux, de déshumaniser ces chers bambins dès la maternelle. Il me semble au contraire que la présence d'emblée dans leur vie de ce formidable outil constitue un facteur important d'éveil et d'adaptation au monde de leur adolescence — et ce d'autant plus qu'il s'agira d'un Macintosh.

Le chat Inigo pour apprendre à utiliser la souris

En dehors de l'abord particulièrement clair de notre ordinateur favori, l'existence de logiciels conçus pour les tout-petits facilite la tâche. Mon propos n'est pas ici d'en faire l'énumération, mais dans un premier temps de citer ceux qui ont compté pour Jérémie. Comme on l'imagine, il faut, pour présenter un ordinateur à un enfant de 2 ans, le plus simple et le plus adapté des logiciels. Je ne crois pas en avoir vu de mieux conçu pour cela que la série des aventures du chat Inigo, réalisée sous Hypercard par Amanda Goodenough. Le trait hypersimplifié du dessin, la figure attachante du chat et la limpidité de ses petites aventures permettent à l'enfant de s'initier, sans se lasser trop rapidement, au maniement de la souris et à l'interaction.

Dès cette étape passée, des réalisations plus riches sont à sa portée. C'est vers 2 ans 1/2 que j'ai acheté le superbe «The Manhole», et un peu plus tard «Cosmic Osmo» (Activision). Programmés également sous Hypercard mais avec animation et sonorisation par modules Videoworks, ces logiciels sont, dans le même style, nettement plus étoffés tant au plan du dessin que de celui de l'univers proposé. Jérémie a adoré, pendant des mois, se replonger dans ce monde poétique et loufoque à la Lewis Carroll.

Vers 3 ans, il était suffisamment familier du Macintosh pour trouver intérêt et plaisir à manipuler un programme de dessin, SuperPaint en l'occurrence. Les logiciels pour enfants n'étaient pas pour autant délaissés, et «The Playroom» (Broderbünd), constitua le jalon suivant en la matière. Très bien réalisé, ce logiciel combine interaction purement ludique et apprentissages fondamentaux des chiffres et des lettres de manière particulièrement appréciée des bambins. Enfin, les jeux d'action classiques sont maintenant l'objet d'un intérêt croissant de la part de Jérémie, et l'exploration des icônes et autres ressources des programmes à l'aide de ResEdit l'amuse particulièrement.

Une aide importante à la structuration de l’enfant

Si l'on veut analyser ce qui est en jeu dans cette confrontation précoce avec l'ordinateur, je citerai en premier lieu une aide importante à la structuration. Avec Inigo, Manhole, Cosmic Osmo, on débute par une structuration douce, l'ensemble des règles à prendre en compte étant limité. Essentiellement, il s'agit d'assimiler qu'à certains endroits du dessin, le clic entraîne un résultat, et à d'autres non. Avec les programmes de dessin et les jeux «d'adulte», on passe à un autre stade : le corpus de règles est important et peut faire appel à une combinatoire (pour utiliser telle couleur avec tel outil de dessin, cliquer sur l'outil, puis sur la couleur).

Des événements non prévus peuvent se produire, et l'enfant apprend assez vite, par exemple, à gérer les zones de dialogue (avec assistance, bien entendu) : il faut cliquer sur l'un des boutons qu'elle présente avant de pouvoir reprendre l'activité en cours. Il apprend également qu'il lui faut «Enregistrer» ses dessins s'il veut les retrouver plus tard, assimile les plus importantes des commandes de menu, et n'a même pas de difficultés, au contraire, à adopter les raccourcis au clavier. Bref, dans un environnement plus régulé qu'aucun autre autour de lui, l'enfant a à s'approprier un espace de liberté : cette dualité me semble fortement structurante.

Un instrument d’éveil interactif et malléable

En deuxième lieu, l'ordinateur est un instrument idéal d'interaction et de prise de conscience de son pouvoir pour le jeune enfant. Très tôt, nous éveillons nos enfants par l'interaction, et nous leur faisons, grâce à elle, prendre conscience de leur pouvoir d'intervention, de création. Les «tableaux» d'éveil des tout-petits sont pour la plupart bâtis autour de manipulations à faire, qui ont des conséquences (sons, actions) perceptibles par l'enfant comme causées directement par lui.

Une aide radicale à la conceptualisation

L'ordinateur permet le stade supérieur de l'interaction, avec affinements successifs de la manipulation et du résultat obtenu. Sa malléabilité (contrairement à l'aspect figé des tableaux d'éveil) révèle une troisième qualité de l'ordinateur vis-à-vis de l'enfant : celle de lui permettre très tôt de conceptualiser, à la fois sa démarche et les objets sur lesquels elle porte. «Je vais dessiner un gros rond, puis dessus un objet à trois pointes que Papa appelle triangle, et je mettrai un motif dans le premier mais pas dans l'autre. Après, j'imprimerai.»

Je me rappelle qu'une réaction de Jérémie, vers 3 ans 1/2, m'avait frappé : dans SuperPaint (2.0), un double-clic sur une icône en forme d'hexagone donne accès à une fenêtre permettant de choisir le polygone souhaité. Jérémie avait ainsi sélectionné le triangle, et après avoir refermé la fenêtre et constaté que l'icône de l'outil était toujours un hexagone, il m'avait demandé «Pourquoi l'icône ne s'est pas transformé en triangle ?»

Des rudiments de programmation à partir de 5 ans

La suite logique, pour l'enfant, c'est de vouloir lui-même produire quelque chose d'analogue aux programmes qu'il utilise. Les jeux qui donnent aux utilisateurs la possibilité de construire leurs propres terrains (niveaux, objets, bestioles) constituent le champ d'une interactivité plus poussée encore. Ainsi Jérémie se passionne-t-il depuis quelques mois pour des jeux comme l'excellent Glider (Casady & Greene), dans lequel on doit s'efforcer de faire parcourir à un avion en papier toutes les chambres d'une maison sans le faire tomber (les bouches d'aération au sol l'aident à remonter). Ce qui l'intéresse le plus, c'est de construire ses propres chambres, de les tester, de les affiner. Il y a là, sans doute, une initiation précoce à la modélisation, à la simulation, à la «programmation par l'utilisateur» (user programming), toutes activités qui seront certainement de plus en plus présentes et nécessaires dans le cadre de l'utilisation des machines de demain.

J'aime à penser que si le Macintosh contribue ainsi à former très tôt l'esprit de l'enfant, il concourt aussi, à l'inverse, à maintenir en nous, adultes, une fraîcheur d'adolescent. Les parents de Jérémie et de ses semblables — même lorsqu'ils «travaillent» — jouent de leurs Macintosh, s'en servent comme d'un outil de découvertes, comme d'un champ d'expérimentation. Et cette tonalité ludique partagée lie enfants et parents plus sûrement que tout effort conscient dans ce sens. Macintosh... un jeu d'enfants de 2 à 99 ans !








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