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Juin 1989 Virus informatique / Virus biologique : une troublante parenté Cliquez pour retrouver, en bas de cette page, des boutons de navigation

La métaphore du virus informatique est assurément étonnante par sa justesse : transmission, porteur, souches, pathologie, et d'autres, sont des concepts qui, empruntés au contexte viral biologique, s'appliquent sans détournement de sens au phénomène «viral» informatique.

J'en ai toutefois toujours voulu un peu aux commentateurs qui faisaient trop leurs choux gras de cette métaphore, car elle contribue à mon sens à perpétuer dans l'esprit du «grand public» l'idée qu'il existe «là-dedans» (dans les ordinateurs) quelque chose de l'ordre du vivant, ayant une existence propre. Peut-être convient-il d'essayer de pousser l'analyse un peu plus loin.

Mutation des protections ou migration des pirates ?

On a émis récemment l'opinion que les virus pouvaient être les descendants des protections de logiciel, soit directement (épisode d'ANTI), soit par filiation (à protection agressive, du type «Tu m'as piraté, j'efface ton disque dur», correspond l'esprit destructeur des virus d'aujourd'hui). S'il s'agit de rester dans ce contexte de la protection, j'aurais plutôt tendance, a priori, à voir dans les créateurs de virus les descendants des «crackers» de protection d'il y a quelques années. Même désir d'aller au fond du code, de défier.

Virus ou la honte du créateur et du porteur

Mais cette analogie ne résiste pas longtemps à la réflexion. Un des grands plaisirs du pirate était de signer sa version «déplombée», fut-ce d'un nom d'emprunt. Le créateur de virus est sournois, il ne signe pas, son plaisir est honteux. Honte — quoique de différente nature — que l'on retrouve chez l'utilisateur contaminé, et la métaphore biologique nous ressaute ici à la figure : Comme dans le cas d'une maladie sexuellement transmissible, le porteur n'ose pas parler de son virus. On en a vu, sur CalvaCom, contribuer en forum pour dire leur malheur et appeler à l'aide, puis, confus, effacer un peu plus tard leurs messages. Pour repousser l'opprobre moral supposé qui s'attache à la contamination, d'autres affirment sans en démordre qu'ils ont été atteint par l'intermédiaire de logiciels du domaine public, ou en Shareware, importés du serveur. L'analogie est troublante avec le fantasme de la blennorragie (même si le gonocoque est un microbe) contacté sur un siège de toilette ou en buvant dans un verre malpropre !

Virus ou le terrorisme anonyme

Quant à la motivation du créateur de virus, et ce en quoi elle diffère de celle du pirate, je dirai que si ce dernier pouvait faire figure (souvent à tort) de Robin des bois dépouillant les riches (éditeurs) pour donner aux pauvres (utilisateurs), et attirer cette certaine sympathie que nous accordons parfois aux «braqueurs» de banque qui commettent leur forfait avec une certaine élégance, le premier nous fait l'effet d'un terroriste anonyme, posant sa «bombe» avec l'intention délibérée de nuire, et de surcroît nihiliste, puisque sans le prétexte d'une cause à défendre.

Virus ou le pompier pyromane

Effet pervers du phénomène «virus», on voit même apparaître des «pompiers pyromanes» : Un programmeur me confiait récemment qu'après avoir écrit un utilitaire de lutte anti-virus, il avait ressenti un désir impérieux de créer lui-même le nouveau virus que son programme aurait été le seul à pouvoir combattre. Heureusement, il sut repousser ce besoin malsain; mais combien d'autres ne le sauront pas ?

Conclusion: solution globale aux mains de l'homme 

A titre provisoire, concluons que si la métaphore biologique, on l'a vu, est loin d'être inadéquate en matière de virus informatiques, ces derniers sont directement créés par l'homme, au contraire des vrais. Leur élimination ne passe pas par la découverte d'un ou de plusieurs antidotes, mais par la chute en désuétude d'un comportement humain néfaste. Même si l'on peut redouter que ces phénomènes une fois disparus, les pulsions qui leur ont donné naissance se réactualisent...autrement.

 

Remerciements à Thierry Delettre pour sa contribution à cet article.



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