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Novembre 1991 MACINTOSH :
PAS SI SIMPLE !
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Dans le monde Macintosh plus que dans tout autre, la promesse de simplicité d'installation et d'emploi est omniprésente. La réalité est loin d'être aussi rose.

Nous sommes nombreux à avoir eu parfois l'impression, ces dernières années, que l'utilisation du Macintosh devenait aussi compliquée que celle d'un PC. Le poids des ans, sans doute, avec tout ce qu'ils apportent d'évolution, de multiplication de l'offre de logiciels et de matériels, et de disparité. Sans verser dans la nostalgie — mais ravi de manier le paradoxe —, on peut affirmer que le Macintosh originel de 1984, fermé à l'utilisateur, ne fonctionnant qu'avec une seule imprimante de la marque, et servant à exploiter trois ou quatre logiciels de base était, du point de vue de la simplicité d'emploi, le Macintosh parfait.

Aujourd'hui, par exemple, la liste des imprimantes connectables est impressionnante, et presque à chacune correspond un pilote différent. Mais cette profusion n'est pas la seule cause de trouble pour l'utilisateur. Trop souvent, il existe un décalage entre la simplicité qu'on lui annonce et une réalité semée d'un certain nombre d'embûches.

Au plan matériel, mon exemple préféré de ce type de phénomène est celui du bus SCSI. Voilà une fonctionnalité qu'on nous présente comme simplifiant radicalement la connexion de périphériques au Macintosh, ce qui est rigoureusement exact. A ceci près qu'on a laissé un aspect bassement technique du problème sans résolution satisfaisante, celui des résistances de terminaison dudit bus.

En d'autres termes, on avait compris que le message était «branchez, c'est prêt», et en réalité, on nous glisse par derrière des recommandations extrêmement chagrinantes, que vous connaissez probablement (reprenons en chœur) : s'il n'y a qu'un périphérique externe, il faut qu'il soit terminé électriquement, s'il y en a deux, le dernier de la chaîne doit être terminé, mais pas celui du milieu, etc. Pour ajouter à la confusion, certains périphériques comportent une terminaison interne, d'autres pas, mais en général rien n'indique dans quel cas ils sont.

Et pour couronner le tout, s'il s'avère nécessaire d'enlever la terminaison interne d'un périphérique en milieu de chaîne, l'opération consiste à ouvrir un matériel qui n'est pas censé l'être, à repérer trois petites résistances plates, et à se débrouiller pour les extraire. J'ajoute qu'on constate couramment qu'un respect strict de ces règles de terminaison ne garantit pas un comportement normal du bus lors de la connexion d'un nouveau périphérique.

L'équivalent existe au plan du logiciel, on peut citer notamment le récent casse-tête introduit par le mélange des polices de caractères PostScript, TrueType, et par points. Quelles polices utiliser ? Où les mettre ? Si j'imprime un document faisant appel à du Palatino TrueType sur mon imprimante PostScript contenant un Palatino Type 1, qu'est-ce que j'obtiens ? (Bonne réponse : le Type 1, mais on ne peut pas — plus — le deviner.)

Avec quelques «gâteries» complémentaires, parmi lesquelles l'incompatibilité actuelle du logiciel Illustrator avec les polices TrueType. On citera également, au chapitre «fausse ergonomie logicielle», la quantité de programmes qui ont l'aspect du logiciel Macintosh convivial, mais qui sont d'un maniement extrêmement difficile, notamment dans le domaine de l'illustration et de la modélisation en 3D. En réalité, entre le MacPaint du début et les PhotoShop ou Art Mixer d'aujourd'hui, les fonctionnalités sont incomparables, et la tâche de les présenter correctement à l'écran difficile.

Or on peut estimer qu'il est relativement plus facile de penser à des fonctionnalités nouvelles et de les mettre en œuvre que de concevoir l'interface homme-machine qui les rendra évidentes d'emploi ou presque. Avec un certain temps de latence, donc, les choses évoluent néanmoins. Ainsi est-on ravi d'apprendre que Livingstone Technologies livre désormais ses disques Clipper avec un dispositif de régulation automatique qui rend caduque l'utilisation d'une terminaison.

Au niveau du logiciel système, l'apparition des menus hiérarchiques a permis aux programmes de mettre à disposition de l'utilisateur plus de fonctionnalités visibles rapidement à la demande (bien entendu, une hiérarchie mal pensée desdits menus va à l'encontre du but recherché). Dans un programme comme Word, on a opté pour une interface utilisateur à deux niveaux, collant assez bien avec une approche progressive : lancé par défaut en «Menus abrégés», le logiciel, peut, quand l'utilisateur s'en sent prêt, passer en «Menus complets». Dans d'autres domaines, toutefois — dessin, CAO/DAO, etc. —, il est nettement plus difficile de «médiatiser» des fonctions qui sont spécialisées et pointues dans leur nature même. Mais ne faut-il pas de toute façon se défier de l'impression que ces logiciels, parce que Macintosh sont destinés à tous ?

Evidemment, le danger, comme on l'a vu à propos du bus SCSI, c'est que plus on «masque» la technique, plus on expose l'utilisateur à être démuni ou dérouté en cas de problème. Exemple : vous êtes sous Système 7 sur un Macintosh 68030, vous passez de 8 Mo de mémoire à 20 Mo, et vous avez la surprise de voir le système s'en attribuer 10. Oui, c'est cela, vous avez oublié de demander l'adressage sur 32 bits (au lieu de 24) au Tableau de bord. Là où un utilisateur de PC, habitué à une reconfiguration à chaque fois qu'il ajoute de la mémoire aurait su quoi faire, l'utilisateur Macintosh, accoutumé à la configuration automatique, marque un temps d'arrêt dans cette situation.

De surcroît, non seulement on masque la technique «pour la bonne cause», pour simplifier l'usage de l'outil informatique, mais on amplifie naturellement le message pour des besoins de marketing. D'où l'attente, de la part de l'utilisateur, d'un fonctionnement simple et quasiment sans faille. Il n'est donc pas inutile d'essayer de faire passer le message suivant : s'il est indispensable de demander plus à l'informatique, de continuer, par exemple, à rêver au carnet de poche à commande et présentation vocale, il faut garder à l'esprit la nature même de l'outil ordinateur, celle d'une machine non douée de raison, susceptible de dysfonctionnements. Se défier des messages marketing un peu trop roses. Et surtout, procéder de manière extrêmement précautionneuse à chaque fois qu'il est question de modifier sa configuration informatique, au plan matériel ou logiciel. Cela dit, si on peut admettre que l'ergonomie des logiciels complexes évolue avec une certaine lenteur, une solution comme l'auto-configuration des terminaisons SCSI aurait pu nous être livrée plus tôt que 5 ans après l'apparition du bus de ce type sur Macintosh. Alors n'hésitons pas à réclamer haut et fort que la réalité rejoigne un peu plus souvent le discours commercial.








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